HIT AND HEART POINTS, 22.11. – 11.1.2025
Vernissage
Ve, 22.11.2024, 18:00
Finissage
Sa, 11.1.2025
19:30 Listening Somatic Rituals
21:30 Dj sets
Une cosmologie de références traverse le travail d’Aline Witschi. De la terre au ciel, et de la lune aux astres, on est frappé.e.s par l’intensité de ses bas-reliefs et la puissance de ses fragiles anneaux en maille. Esquissées d’abord dans son large carnet de dessins, les sculptures de l’artiste se cristallisent dans leur matière de prédilection : l’argile. Issues d'un travail rigoureux, tactile et répétitif avec la matière, et travaillant qu’avec des pigments naturels, les pièces évoquent un sentiment d’intemporalité, entre vestiges et messages futuriste--une oeuvre aussi profonde que notre attraction physique pour cette matière qu’elle maîtrise si brillamment.
Tes sculptures nous plongent dans un univers qui renvoie à la fois au fantastique et à une esthétique distinctement organique. Quelles sont tes inspirations ou les thèmes qui traversent ton travail?
Les thèmes et inspirations de mon travail sont surtout liés au matériau, en l'occurrence l'argile. Après tout, c'est le matériau sur lequel nous vivons, la base de toute vie. Pour moi, l'argile véhicule aussi une dimension temporelle : lors de fouilles archéologiques, on trouve des reliques en argile qui relient le passé au présent - comme un fil tiré des profondeurs. J'essaie de connecter mes pièces à ce fil et de faire des bonds temporels, en avant et en arrière, en haut et en bas. Avec mes mains, je façonne des surfaces en argile qui, même après être cuites, semblent déjà avoir été vécues par le temps.
Ta fascination pour l’argile est en effet irrévocable. C’est un matériau que non seulement tu sollicites, mais que tu thématises. Peut-tu dire quelques mots sur les raisons qui t’ont poussées à travailler avec ce matériau et qui continuent à t'inspirer ? Quand est-il rentré dans ta pratique ?
J'ai découvert l'argile pour la première fois pendant mes études de bachelor, où, dans le cadre de cours de dessin, j'ai étudié des surfaces textiles, que j'ai ensuite transposé en petits “crochets” d’argile. Cette recherche a donné naissance à des installations sur barres métalliques, puis plus tard sur des cercles métalliques. Je suis fascinée par l'état initiallement malléable et souple de l'argile, qui finit par devenir dur et cassant. En jouant avec les for- mes et les maillons mobiles, je cherche à fusionner les qualités de ces deux états. Je pense souvent aux cadres et aux structures, comme l'ossature ou le squelette du corps humain, et je pousse cette idée plus loin vers les systèmes rigides qui régissent nos vies – qu'il faut par- fois savoir ébranler.
Tu mentionnes aussi l’importance de la répétition dans ta pratique, l’obsession du matériau, du geste, de la routine, une volonté artistique presque mono-matérielle de travailler. Quelles ambitions vises- tu avec cette pratique ?
Le travail avec mon corps et surtout avec mes mains est important pour moi. Je me concentre sur la mise en forme du matériau. Les étapes répétitives du processus m'ouvrent un espace de réflexion. La répétition devient un élément à la fois apaisant et récurrent dans mon tra- vail. C’est peut-être une manière de me réconcilier avec les répétitions dans la vie — avec la vie elle-même, ses évolutions, ses ruptures et ses fissures, ainsi que les ten- sions qui en découlent.
Bien que certaines pièces évoquent des sortes d’armures, de la côte de maille, le matériau renvoie quant à lui à une fragilité, une poésie, qui vient créer une tension intéressante dans notre rapport corporel et émotionnel aux oeuvres. Peux-tu dire quelques mots sur cette tension qui s’applique ?
Je vais proposer une image mentale : L'armure et la cotte de mailles enveloppent le corps humain. D'un côté, on aperçoit l'intérieur du corps et son organisme, tandis que l'autre révèle le paysage extérieur, celui du monde. Les organes sensoriels du corps, la peau, les poils et autres, servent de transition entre ces deux mondes. J'imagine ainsi une interaction entre ces deux côtés, et je pense inévitablement à des formes émotionnelles et physiques, indéfinissables, qui circulent entre ces deux niveaux. De cette vision naissent des œuvres qui, à mes yeux, ne peu- vent plus être attribuées clairement à un côté ou à l’autre. C’est peut-être cette tension dont tu parles.
Si on se penche sur les titres de tes pièces, ils font souvent écho aux domaines marins, terrestres ou astraux. Tu considères tes pièces « grounded » sur terre, il y a en effet un côté terreux et terrestre, mais aussi extra-terrestre, indiquant un potentiel émancipateur ; une sorte d’émerveillement, d’échappatoire vers un monde plus symbiotique. Connectes-tu avec ceci ?
Si l’on considère la Terre comme l’ensemble de tous les organismes et qu’on la voit ainsi comme un corps en soi, comme le décrit l’hypothèse Gaia de James Lovelock, il devient peut-être plus facile de comprendre l’idée que tout ce qui est inexplicable et lointain peut servir de tentative pour concevoir l’incompréhensible à travers l’argile (terre). Les étoiles et les étincelles semblent s’accrocher à mon travail, peut-être parce que l’argile est un matériaux non conducteur, alors que nous, les humains, sommes si étroitement connecté.e.xs au digital. Ce serait bien si mes pièces pouvaient inciter celle.xs et ceux qui les regardent à se voir dans un système plus large, interactif, et dans un échange symbiotique et changeant, et si la perspective individuelle pouvait éventuellement être brisée le temps d’un instant.
D’où vient le titre de l’exposition ?
Le titre “Hit and Heart Points” fait référence au monde digital des jeux, dans lequel les “hit points” décident de la vie et de la mort, et “heart” de la dimension organique du cœur, qui représente les émotions et la vie. Les fleurs qui envahissent souvent mes œuvres sont modelées à partir de petits cœurs. Le contraste avec le monde numérique et le lien avec le damier dans le grand relief mural, où les organes des sens luttent contre les structures rigides de l'échiquier, représentent peut-être le mieux le titre de l’exposition.
Aline Witschi (1995, Biel/Bienne) finit l'école propédeutique de Biel/Bienne et obtient un BA à la Haute école d’Art de Berne (HKB) et suit des cours en histoire de l'art à l'Université de Berne. En 2023, elle obtient son MFA à la Haute école d’Art de Zurich (ZHdK).
L'exposition est soutenue par la Ville de Bienne, Canton Bern, Pro Helvetia, Gubler-Hablützel Stiftung, Temperatio, Burgergemeinde Bern, Ursula Wirz Stiftung.